Led Zeppelin, ancêtre de la Dark Wave
Le hard rock héroïque.
Une histoire de baguette
magique.
Led Zeppelin était un groupe profondément lourd et puissant. Il
tranchait sur tout ce qui existait en 1969. Je les avais vus au festival de
Bath. C’était l’été et c’était l’une de leurs premières prestations. Un
cataclysme, un ouragan sonore. Ce n’était plus de la gentille pop. L’ère du
bruit venait de commencer. La révolution des amplis Marshall était en marche. On avait poussé
le volume à fond. La technologie avait progressé à pas de géant. On avait
remisé les vieux amplis au vestiaire.
Les artistes venaient d’horizons très différents. Jimmy Page était un
transfuge des Yardbirds, l’un des plus prestigieux guitaristes de son temps, un
musicien de studio hors pair. Robert Plant avait fait ses premières armes dans
un groupe de hippies, The Band Of Joy. John Paul
Jones avait dirigé une manécanterie, une école de chant rattachée à une
paroisse. John Bonham était taillé comme un bûcheron. C’était un batteur
prodigieux. En tout cas, la magie avait tout de suite fonctionné.
A Bath, en juin 1969, Jimmy Page avait sorti de sa manche un archet de violoncelle. Les autres avaient quitté la scène. Il s’était assis sur une caisse, avait baissé la tête, cherchant la concentration, l’intensité. Ses longs cheveux épars avaient caché son regard. Il avait saisi sa guitare, en avait tiré des sons étranges. Mais était-ce encore un archet ? N’était-ce pas plutôt une ancienne baguette magique ? Elle avait dû appartenir à quelqu’un de sinistre, à l’inquiétant Aleister Crowley, un des mages les plus ténébreux que l’Angleterre ait connu…
L’envol du Dirigeable
Led Zeppelin (I)
En 1968, Donovan avait écrit « Hurdy Gurdy Man » pour Jimi Hendrix, qui n'avait pas pris pas la peine
de l'enregistrer... Donovan décida de l’enregistrer lui-même.
Comme le signale Jean-Marie Vandersmissens, grand spécialiste du
Dirigeable : « Donovan fit appel à JP Jones qui lui-même sollicita Jimmy Page
pour le seconder mais Page ne participa pas à l'enregistrement. Seul JPJ est
impliqué dans la chanson. Bonham jouait à l'époque au sein du groupe de Tim
Rose. Pour former LZ, Page engagea d'abord Jones puis s'en alla à Birmingham
voir Plant en concert avec Hobstweedle. Ce fut Plant qui suggéra Bonham comme
batteur pour le quatuor. Bonzo d'ailleurs fut très difficile à convaincre… ».
« Hurdy Gurdy Man », c’est du folk-sitar-hard-rock, à la fois garage et psyché. Donovan s’en donne à cœur joie, déformant la mélodie avec
des guitares saturées.
C'est étonnant mais c'est ainsi : le Hard Rock a
jailli au sein du Flower Power : « Hurdy
Gurdy Man » mêle instruments acoustiques et
électriques. Mais comme le
signale encore Jean-Marie Vandersmissen, le Hard Rock est né avant cet
enregistrement : « Page l'a expérimentée avec les Yardbirds qui lui
servaient de "laboratoire" : jouer un Blues sur-électrifié,
sur-amplifié et souvent accéléré ; y coller une voix puissante et une rythmique
qui porte littéralement l'ensemble ». Les trois compères ne veulent pas en rester là.
Ils décident de former Led Zeppelin, le dirigeable de plomb (le nom leur aurait
été suggéré par Keith Moon, le batteur des Who).
« Good Times Bad Times » sert d’ouverture au
premier album. Le son est lourd et plein. Le parolier y joue les affranchis,
l’homme libre et sans entraves : « I don't care what the neighbors
say »,
« Je me moque de ce que disent les voisins ». Soit : « Je me fous du qu'en-dira-t-on ».
« Baby, I’m Gonna Leave You » est une chanson de rupture des plus pathétiques, des
plus poignantes, hyper conflictuelle : un lien très fort existait entre deux
êtres, la rupture n’est pas facile, elle est même déchirante. Plant hurle son
désespoir. Ce traditionnel faisait partie du répertoire de Joan Baez dès 1962.
Il est signé Ann Bredon (1950) qui n’en fut créditée que bien trop
tardivement...
C’est la seule chanson acoustique du disque, mais
c’est la meilleure (elle annonce le III), tout le reste est furieusement électrique.
Les paroles de « You Shook Me »
rappellent « Corrina, Corrina »,
traditionnel arrangé par Dylan, « I have a bird that whistles and I have
birds that sing ».
« Dazed And Confused », ça peut vouloir dire « Paumé et flippé ». Ce sont des paroles de
blues, en plus violentes, en plus crues :
J’ai été paumé et
si flippé si longtemps, tu peux pas savoir
J’ai désiré une
femme, j’ai jamais rien truqué pour t’avoir
Trop de gens
parlent pour ne rien dire
L’âme d’une femme
a été forgée au fin fond des enfers…
Tu me blesses et
tu m'humilies avec tous tes mensonges
(…) Tous les jours
je travaille si dur pour ramener à la maison ma pauvre paye
J’essaie de
t’aimer, petite, mais tu me dédaignes
Je ne sais pas où
tu vas, je sais juste d’où tu viens
Mon adorable
petite, je te désire encore, viens !
J’ai été flippé et
si paumé si longtemps, tu peux pas comprendre
J’ai voulu une
femme, j’ai jamais rien manigancé pour t’avoir
Ne t’en fais pas,
ma petite, laisse-les dire leurs conneries.
« Your Time Is Gonna Come » s’ouvre sur un orgue d’église, un harmonium (John
Paul Jones fut maître de chœur). Page et les Black Crowes l’ont reprise avec un
orgue saturé.
« Communication Breakdown » traite de l'incommunicabilité (célèbre tarte à la
crème), de l'incompatibilité d'humeur. C’est l’un de leurs titres les plus
connus. La dépression nerveuse, le thème n’est pas nouveau dans le blues
rock : la dix-neuvième « Nervous Breakdown », des Stones…
Communication
Breakdown, / It's always the same,
I'm having a
nervous breakdown, / Drive me insane !
« Rupture de communication, / C'est
toujours pareil
Je fais une dépression nerveuse, / Tu me
rends dingue ! »
Dans la chanson des Stones, c’était la fille qui était
dépressive. La dépression, pas assez virile, n’était pas alors une maladie de
garçons. En 69, il en va tout autrement. L e
chanteur avoue ses problèmes nerveux. De l’eau a coulé sous les ponts, et
l’époque s’est durcie, l’époque, le Blues et le
Rock.
Led Zeppelin (II)
L’invention du Hard Rock et
du Heavy Metal
Led Zeppelin (II) sortit aux U.S.A. fin octobre 1969. Les
« précommandes » s’élevaient à 500 000 exemplaires. Chiffre
fabuleux. Ils dépassèrent les ventes d’Abbey
Road et restèrent sept semaines en tête des charts. En Angleterre, rebelote. « The Song Remains The
Same »…
Ils restèrent 138 semaines dans les classements. Ils y étaient encore quand
parut le troisième album… (...)
La suite de ce très long chapitre figure dans mon ouvrage "Old Wave, Cold Wave, New Wave, Dark Wave"
(au Camion blanc).
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