samedi 25 juillet 2015

Led Zeppelin, ancêtre de la Dark Wave


Led Zeppelin, ancêtre de la Dark Wave

Le hard rock héroïque.

Une histoire de baguette magique.



Led Zeppelin était un groupe profondément lourd et puissant. Il tranchait sur tout ce qui existait en 1969. Je les avais vus au festival de Bath. C’était l’été et c’était l’une de leurs premières prestations. Un cataclysme, un ouragan sonore. Ce n’était plus de la gentille pop. L’ère du bruit venait de commencer. La révolution des amplis Marshall était en marche. On avait poussé le volume à fond. La technologie avait progressé à pas de géant. On avait remisé les vieux amplis au vestiaire.

Les artistes venaient d’horizons très différents. Jimmy Page était un transfuge des Yardbirds, l’un des plus prestigieux guitaristes de son temps, un musicien de studio hors pair. Robert Plant avait fait ses premières armes dans un groupe de hippies, The Band Of Joy. John Paul Jones avait dirigé une manécanterie, une école de chant rattachée à une paroisse. John Bonham était taillé comme un bûcheron. C’était un batteur prodigieux. En tout cas, la magie avait tout de suite fonctionné.
 

A Bath, en juin 1969, Jimmy Page avait sorti de sa manche un archet de violoncelle. Les autres avaient quitté la scène. Il s’était assis sur une caisse, avait baissé la tête, cherchant la concentration, l’intensité. Ses longs cheveux épars avaient caché son regard. Il avait saisi sa guitare, en avait tiré des sons étranges. Mais était-ce encore un archet ? N’était-ce pas plutôt une ancienne baguette magique ? Elle avait dû appartenir à quelqu’un de sinistre, à l’inquiétant Aleister Crowley, un des mages les plus ténébreux que l’Angleterre ait connu…

L’envol du Dirigeable

Led Zeppelin (I)

En 1968, Donovan avait écrit « Hurdy Gurdy Man » pour Jimi Hendrix, qui n'avait pas pris pas la peine de l'enregistrer... Donovan décida de l’enregistrer lui-même.

Comme le signale Jean-Marie Vandersmissens, grand spécialiste du Dirigeable : « Donovan fit appel à JP Jones qui lui-même sollicita Jimmy Page pour le seconder mais Page ne participa pas à l'enregistrement. Seul JPJ est impliqué dans la chanson. Bonham jouait à l'époque au sein du groupe de Tim Rose. Pour former LZ, Page engagea d'abord Jones puis s'en alla à Birmingham voir Plant en concert avec Hobstweedle. Ce fut Plant qui suggéra Bonham comme batteur pour le quatuor. Bonzo d'ailleurs fut très difficile à convaincre… ». « Hurdy Gurdy Man », c’est du folk-sitar-hard-rock, à la fois garage et psyché. Donovan s’en donne à cœur joie, déformant la mélodie avec des guitares saturées.

C'est étonnant mais c'est ainsi : le Hard Rock a jailli au sein du Flower Power : « Hurdy Gurdy Man » mêle instruments acoustiques et électriques. Mais comme le signale encore Jean-Marie Vandersmissen, le Hard Rock est né avant cet enregistrement : « Page l'a expérimentée avec les Yardbirds qui lui servaient de "laboratoire" : jouer un Blues sur-électrifié, sur-amplifié et souvent accéléré ; y coller une voix puissante et une rythmique qui porte littéralement l'ensemble ». Les trois compères ne veulent pas en rester là. Ils décident de former Led Zeppelin, le dirigeable de plomb (le nom leur aurait été suggéré par Keith Moon, le batteur des Who).

« Good Times Bad Times » sert d’ouverture au premier album. Le son est lourd et plein. Le parolier y joue les affranchis, l’homme libre et sans entraves : « I don't care what the neighbors say », « Je me moque de ce que disent les voisins ». Soit : « Je me fous du qu'en-dira-t-on ».

« Baby, I’m Gonna Leave You » est une chanson de rupture des plus pathétiques, des plus poignantes, hyper conflictuelle : un lien très fort existait entre deux êtres, la rupture n’est pas facile, elle est même déchirante. Plant hurle son désespoir. Ce traditionnel faisait partie du répertoire de Joan Baez dès 1962. Il est signé Ann Bredon (1950) qui n’en fut créditée que bien trop tardivement...

C’est la seule chanson acoustique du disque, mais c’est la meilleure (elle annonce le III), tout le reste est furieusement électrique.

Les paroles de « You Shook Me » rappellent « Corrina, Corrina », traditionnel arrangé par Dylan, « I have a bird that whistles and I have birds that sing ».

« Dazed And Confused », ça peut vouloir dire « Paumé et flippé ». Ce sont des paroles de blues, en plus violentes, en plus crues :

J’ai été paumé et si flippé si longtemps, tu peux pas savoir

J’ai désiré une femme, j’ai jamais rien truqué pour t’avoir

Trop de gens parlent pour ne rien dire

L’âme d’une femme a été forgée au fin fond des enfers…

Tu me blesses et tu m'humilies avec tous tes mensonges

(…) Tous les jours je travaille si dur pour ramener à la maison ma pauvre paye

J’essaie de t’aimer, petite, mais tu me dédaignes

Je ne sais pas où tu vas, je sais juste d’où tu viens

Mon adorable petite, je te désire encore, viens !

J’ai été flippé et si paumé si longtemps, tu peux pas comprendre

J’ai voulu une femme, j’ai jamais rien manigancé pour t’avoir

Ne t’en fais pas, ma petite, laisse-les dire leurs conneries.

« Your Time Is Gonna Come » s’ouvre sur un orgue d’église, un harmonium (John Paul Jones fut maître de chœur). Page et les Black Crowes l’ont reprise avec un orgue saturé.

« Communication Breakdown » traite de l'incommunicabilité (célèbre tarte à la crème), de l'incompatibilité d'humeur. C’est l’un de leurs titres les plus connus. La dépression nerveuse, le thème n’est pas nouveau dans le blues rock : la dix-neuvième « Nervous Breakdown », des Stones…

Communication Breakdown, / It's always the same,

I'm having a nervous breakdown, / Drive me insane !

« Rupture de communication, / C'est toujours pareil

Je fais une dépression nerveuse, / Tu me rends dingue ! »

Dans la chanson des Stones, c’était la fille qui était dépressive. La dépression, pas assez virile, n’était pas alors une maladie de garçons. En 69, il en va tout autrement. L          e chanteur avoue ses problèmes nerveux. De l’eau a coulé sous les ponts, et l’époque s’est durcie, l’époque, le Blues et le Rock.

Led Zeppelin (II)

L’invention du Hard Rock et du Heavy Metal

Led Zeppelin (II) sortit aux U.S.A. fin octobre 1969. Les « précommandes » s’élevaient à 500 000 exemplaires. Chiffre fabuleux. Ils dépassèrent les ventes d’Abbey Road et restèrent sept semaines en tête des charts. En Angleterre, rebelote. « The Song Remains The Same »… Ils restèrent 138 semaines dans les classements. Ils y étaient encore quand parut le troisième album…  (...)


La suite de ce très long chapitre figure dans mon ouvrage "Old Wave, Cold Wave, New Wave, Dark Wave"
(au Camion blanc).

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