samedi 25 juillet 2015

Adam and the Ants. Prince Charming (1981)


Adam and the Ants

Prince Charming

(1981)

Il y eut une véritable « Antmania » en Angleterre en 1981, comparable à la « Bolanmania » ou « T.Rextasie » qui sévit vers 72, ou à la Beatlemania, qui dura près d’une décennie.

Adam Ant n’a jamais percé en France. Il était trop british, trop excentrique, trop « petit-maître », trop inclassable, trop différent. Il y avait du glamour dans cet homme, donc du Bowie, ou plutôt du Ziggy. Adam and the Ants, c’était une joyeuse bande d’Electric Warriors, pour des jeux sur Play Station, des mutants de World WarCraft bien avant l’heure.

Adam Ant, le leader incontesté, la figure de proue de ce navire corsaire, c’était un bandit de grand chemin, tiré à quatre épingles, un « Dandy highway man » que les modes faciles irritaient : « So sick of easy fashion ». Une sorte d’Arsène Lupin Glamour, un pirate new wave, avec bottes et cuissardes, un Cheyenne qu’adulaient les « Incroyables » et les « Merveilleuses » du Londres des années 80. Un nouveau Directoire. « Cadet Rousselle a trois habits, deux jaunes, l’autre en papier gris »

Leurs litanies, des noms d’ethnies indiennes, « Blackfoot-Pawnee-Cheyenne-Crow-Apache-Arapaho » (« The Human Beings »). Leur logo, une fourmi avec une coiffe de Chef Sioux. Bref, si le mot look a été forgé pour quelqu’un, c’est bien pour Adam Ant qu’il a été créé.

Leurs deux albums essentiels n’ont pas pris une ride (ou pas trop) Kings Of The Wild Frontier (1980), post-Punk et tribal, et Prince Charming (1981), nettement plus pop, néo-décadentiste. On y retrouve toute la magie de la New Wave, si décriée et si méconnue. Tout ce qu’Ultravox, Human League et Duran Duran ont plus ou moins raté, Adam Ant l’a réussi. Les groupes précités n’avaient souvent à leur actif qu’un ou deux succès, « Reap The Wild Wind » pour Ultravox, à la rigueur « Vienna ». « Don’t You Want Me » pour Human League. Ils ont eu leur heure de gloire, ils se sont éloignés. Tout ça, c’est tombé. Mais Adam Ant aligna une bonne douzaine de morceaux efficaces, dont « Dog Eat Dog », « Stand And Deliver », « Prince Charming », « Ant Music », « Jolly Roger », « 5 Guns West », « That Voodoo », tous co-signés Ant et Marco Pirroni, ancien guitariste de Siouxsie and the Banshees, fan de Sinatra, de James Bond, de Glam Rock, d’Eno, des premiers Roxy... De la finesse, de la grâce, de l’élégance, un charme qui ne s’est pas vraiment estompé. Après le Punk Thermidor, implacable et tranchant comme un couperet, le Rock Directoire. Du Rock Directoire, avec de vraies mélodies, des roulements de tambour, des cris d’Indiens comme autant d’imprécations tribales, ces percussions qu’on appréciait aussi chez Bow Wow Wow. Les Ants avaient deux batteurs, Terry Lee Miall et Merrick. « Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie ». On dresse en haut du mât le Pavillon Noir.

Cela ne va pas sans un certain regret d’un âge d’or qui n’a peut-être jamais existé : c’est le lot de tous les romantismes, anciens et nouveaux : « In the days of old, when ships were bold / Just like the men who sailed them ».

Alors on hisse le Joly Roger (« Hoist the Joly Roger ! »), on s’embarque pour des mers inconnues, des îles lointaines. On rejoint même la planète des singes : « Picasso Visita La Planeta De Los Semios » avec sa mélodie prenante, chaînon manquant entre l’excellent « Picasso’s Last Words » des Wings (1973) et le médiocre « Pablo Picasso » du Reality de Bowie (2003). Adam Ant réactualise le mythe de Peter Pan mais également L’île au trésor :

Je le vois parcourir la crique du regard tout en sifflotant, puis, tout à coup, entonner cette vieille rengaine de matelot que, par la suite, nous devions si souvent entendre : Nous étions quinze sur le coffre à l’homme mort ! – Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum ! d’une voix aiguë et chevrotante qui semblait avoir été rythmée et brisée par les manœuvres« (Stevenson). «Of all the pirates on the seas / The worst of them was Blackbeard / So damnable (…) He’d hang them from the gallow / Just to see if they could dance !

Nowhere Land…. Treasure Island… Il faut réécouter ce disque, revoir les clips de Stephanie Gluck et Clive Richardson. Adam Ant était un cinéphile averti. Ces vidéos étaient talentueuses, avec des mises en scène originales, une créativité qui n’existe plus dans l’art du scopitone, tombé bien bas.

extrait du livre de Jérôme Pintoux, Old Wave, Cold Wave, New Wave.

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