Adam and the Ants
Prince Charming
(1981)
Il y eut une véritable « Antmania » en Angleterre en 1981, comparable à la « Bolanmania » ou « T.Rextasie » qui sévit vers 72, ou à la Beatlemania , qui dura
près d’une décennie.
Adam Ant n’a jamais percé en France. Il était trop british, trop excentrique, trop « petit-maître », trop inclassable, trop différent. Il y avait du glamour
dans cet homme, donc du Bowie, ou plutôt du Ziggy. Adam and the Ants, c’était
une joyeuse bande d’Electric Warriors, pour des jeux sur Play Station,
des mutants de World
WarCraft bien avant l’heure.
Adam Ant, le leader incontesté, la figure de proue de ce
navire corsaire, c’était un bandit de grand chemin, tiré à quatre épingles, un
« Dandy highway man » que les modes faciles irritaient : « So
sick of easy fashion ». Une sorte d’Arsène Lupin Glamour,
un pirate new wave, avec bottes et cuissardes, un Cheyenne qu’adulaient les « Incroyables » et les « Merveilleuses » du Londres des années 80. Un nouveau
Directoire. « Cadet Rousselle a trois habits, deux jaunes, l’autre en
papier gris »…
Leurs litanies, des noms d’ethnies indiennes, « Blackfoot-Pawnee-Cheyenne-Crow-Apache-Arapaho » (« The Human Beings »). Leur logo, une fourmi avec une
coiffe de Chef Sioux. Bref, si le mot look a été forgé pour quelqu’un, c’est
bien pour Adam Ant qu’il a été créé.
Leurs deux albums essentiels n’ont pas pris une ride (ou pas
trop) Kings Of The Wild Frontier
(1980), post-Punk et tribal, et Prince Charming (1981), nettement plus
pop, néo-décadentiste. On y retrouve toute la magie de la New Wave , si décriée et
si méconnue. Tout ce qu’Ultravox, Human League et Duran Duran ont plus ou moins
raté, Adam Ant l’a réussi. Les groupes précités n’avaient souvent à leur actif
qu’un ou deux succès, « Reap The Wild Wind » pour Ultravox, à la rigueur « Vienna ». « Don’t You Want Me » pour Human League. Ils ont eu leur
heure de gloire, ils se sont éloignés. Tout ça, c’est tombé. Mais Adam Ant
aligna une bonne douzaine de morceaux efficaces, dont « Dog Eat Dog », « Stand And Deliver », « Prince Charming », « Ant Music », « Jolly Roger », « 5 Guns West », « That Voodoo », tous co-signés Ant et Marco Pirroni, ancien guitariste de
Siouxsie and the Banshees, fan de Sinatra, de James Bond, de Glam Rock, d’Eno,
des premiers Roxy... De la finesse, de la grâce, de l’élégance, un charme qui
ne s’est pas vraiment estompé. Après le Punk Thermidor, implacable et tranchant
comme un couperet, le Rock Directoire. Du Rock Directoire, avec de vraies
mélodies, des roulements de tambour, des cris d’Indiens comme autant
d’imprécations tribales, ces percussions qu’on appréciait aussi chez Bow Wow
Wow. Les Ants avaient deux batteurs, Terry Lee Miall et Merrick. « Un coup
de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle
harmonie ». On dresse en haut du mât le
Pavillon Noir.
Cela ne va pas sans un certain regret d’un âge d’or qui n’a
peut-être jamais existé : c’est le lot de tous les romantismes, anciens et
nouveaux : « In the days of old, when ships were bold / Just
like the men who sailed them ».
Alors on hisse le Joly Roger
(« Hoist the Joly Roger ! »), on s’embarque pour des mers
inconnues, des îles lointaines. On rejoint même la planète des singes : « Picasso
Visita La Planeta De
Los Semios » avec sa mélodie prenante, chaînon
manquant entre l’excellent « Picasso’s Last Words » des Wings (1973) et le médiocre « Pablo Picasso » du Reality de
Bowie (2003). Adam Ant réactualise le mythe de Peter Pan mais également L’île au trésor :
Je le vois parcourir la
crique du regard tout en sifflotant, puis, tout à coup, entonner cette vieille
rengaine de matelot que, par la suite, nous devions si souvent entendre :
Nous étions quinze sur le coffre à l’homme mort ! – Yo-ho-ho ! et une
bouteille de rhum ! d’une voix aiguë et chevrotante qui semblait avoir été
rythmée et brisée par les manœuvres« (Stevenson). «Of all the pirates on the
seas / The worst of them was Blackbeard / So damnable (…) He’d hang them from
the gallow / Just to see if they could dance !
Nowhere Land…. Treasure
Island… Il faut réécouter ce disque, revoir les clips de Stephanie Gluck et
Clive Richardson. Adam Ant était un cinéphile averti. Ces vidéos étaient
talentueuses, avec des mises en scène originales, une créativité qui n’existe
plus dans l’art du scopitone, tombé bien bas.
extrait du livre de Jérôme Pintoux, Old Wave, Cold Wave, New Wave.
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