Nouvelle interview de
Pierre Benoit, pour Le
puits de Jacob, en 1925.
Pierre Benoit, dans Le puits de Jacob, Agar Mosès avait-elle passé son enfance à
Constantinople ?
Oui. Dans l'un des plus
misérables ghettos européens.
Sa petite sœur Sarah
était-elle décédée ?
Oui. Elle était morte
d'une de ces épidémies levantines mal définies.
Agar s'intéressait-elle
à l'histoire sainte ?
La destinée tour à tour
étincelante et lugubre du peuple de Dieu surexcitait son imagination.
Etait-elle très pauvre
?
Elle était vêtue à peu
près convenablement, mais, à treize ans, elle n'avait jamais eu encore une robe
neuve.
Une chanteuse juive,
Rachel Bernheim, dite Lina de Marville, l'avait prise sous sa protection ?
Oui. Son appartement
avait séduit la petite Agar. Si banal qu'il fût, jamais elle ne s'était avisée
d'un tel confort, d'un tel luxe. Les mille petits bibelots criards dispersés un
peu partout, les mystérieux objets de toilette l'avaient enchantée…
Madame Lazaresco avait
voulu faire d'Agar une chanteuse puis une danseuse ?
Elle dut assez vite
abandonner l'espoir d'en faire une chanteuse. Agar avait une voix trop ténue,
et qui manquait d'aplomb. Mais comme danseuse, il apparut qu'elle devait
arriver à des résultats satisfaisants et rapides.
Avait-elle les
dispositions nécessaires ?
Sa conformation
physique l'y prédisposait. Grande, un peu maigre encore, la jeune fille avait
les jambes longues et fines, les hanches harmonieuses, et ce charmant dos
arqué, fendu, qui sait si bien, en se cabrant, en se renversant, exalter les
désirs, surtout lorsque, comme c'était la cas, l'impassibilité presque dure du
visage accroît le caractère lascif des mouvements en le compliquant de mystère.
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