dimanche 11 mars 2012

Adam Ant : Electric Warrior

Un article de 2004.


Une joyeuse bande d’Electric Warriors





                                                              





                                                                 « Même quand il se trouva dans le séjour des Morts, il continua à se regarder dans l’eau du Styx, le fleuve infernal »

                                                                                                        (Ovide, légende de Narcisse)







           On vient de rééditer Adam and the Ants. Il était grand temps. Il y eut une véritable Antmania en Angleterre en 81, comparable à la Bolanmania qui sévit vers 72, ou à la Beatlemania, qui dura près d’une décennie. Mais Adam Ant n’a jamais percé en France. Trop British. Trop excentrique. Trop petit-maître, trop inclassable. Trop différent. Il y avait du glamour dans cet homme, donc du Bowie, ou plutôt du Ziggy, et du yéyé, mais au sens noble du terme. Au pire, il a inspiré Indochine, qui a voulu synthétiser la New Wave et la chansonnette yéyé, en créant la Nouille Wave

           Mais Adam and the Ants, c’était tout autre chose. En son temps, ils ont révolutionné la pop. C’était une joyeuse bande d’Electric Warriors. - Mais pour quel jeu de Play Station 2 ?

           Adam Ant, le leader incontesté, la figure de proue de ce navire corsaire, c’était un bandit de grand chemin, tiré à quatre épingles punk, un « dandy highway man » que les modes faciles irritaient. « So sick of easy fashion ». Une sorte d’Arsène Lupin Glamour, de pirate New Wave, avec bottes et cuissardes,  Sioux-Cheyenne-chicos, qu’adulaient les « Inc’oyables » et les « Me’veilleuses » de Kings Road, gandins eighties.

           Leurs litanies, des noms d’ethnies amérindiennes, « Blackfoot-Pawnee-Cheyenne-Crow-Apache-Arapaho » (The Human Beings). Leur logo, une fourmi, de profil, avec une coiffe de Chef indien. Bref, si le mot « look », si galvaudé de nos jours, a été forgé pour quelqu’un, c’est bien pour Adam Ant qu’il a été créé.

            Il y a eu deux albums essentiels, qui n’ont pas pris une ride, Kings Of The Wild Frontier (1980), post-punk, pop et tribal, et Prince Charming (1981), nettement plus pop et néo-décadentiste.

           Il y a là toute la magie de la New Wave anglaise du début des années 80, si décriée et si méconnue. Tout ce qu’Ultravox, Human League et Duran Duran ont raté, Adam Ant l’a réussi. Les groupes précités n’avaient souvent à leur actif qu’un ou deux succès, Reap The Wild Wind pour Ultra Vox, à la rigueur Vienna. Don’t You Want Me pour Human League. Pas grand-chose pour Duran Duran… Ils ont eu leur heure de gloire, ils se sont éloignés. Tout ça, c’est tombé.

            Mais Adam Ant aligna une bonne douzaine de morceaux imparables, dont les magnifiques Dog Eat Dog, Stand And Deliver, Prince Charming, Ant Music, Jolly Roger, 5 Guns West, That Voodoo,  tous co-signés Ant et  Marco Pirroni, ancien guitariste de Siouxsie and the Banshees, fan de Sinatra, de James Bond, de Glam Rock, d’Eno, des premiers Roxy Music...

             Il y a là de la finesse, de la grâce, de l’élégance, un charme qui ne s’est pas vraiment éventé. Après le Punk Thermidor, implacable et tranchant comme un couperet de guillotine, le Rock Directoire. Du vrai Rock Directoire, avec de vraies mélodies, des roulements de tambour, des cris d’Indiens comme autant d’imprécations tribales, ces percussions qu’on appréciait aussi chez Bow Wow Wow. Ils avaient deux batteurs, Terry Lee Miall et Merrick.

            « Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie». On dresse en haut du mât le Pavillon Noir. On hisse le Joly Roger, - peau humaine tannée,  passée au brou de noix, ou soie sauvage, avec tête de mort surmontant deux tibias ? – ou plutôt deux pistolets sur un autre logo.

           Cela ne va pas sans un certain regret réac d’un âge d’or qui n’a peut-être jamais existé, mais c’est le lot de tous les romantismes, anciens et nouveaux :

           “In the days of old, when ships were bold

            Just like the men who sailed them”

         Alors on hisse le Joly Roger (« hoist the  Joly Roger ! »), et on s’embarque pour des mers inconnues, des îles lointaines. Mais on n’accostera jamais à Canary Bay, mon pote, c’est réservé au Club Med, c’est un piège à touristes ! On rejoindra plutôt la planète des singes : Picasso Visita La Planeta De Los Semios, sur Prince Charming, avec sa mélodie prenante, c’est le chaînon manquant entre Picasso’s Last Words, des Wings de Paulo (1973) et le Pablo Picasso, du Reality de Bowie (2003). Adam Ant lui aussi : « Never Get Old »… Réactualisation du mythe de Peter Pan, mais de L’île au trésor, également :

        « Je le vois parcourir la crique du regard tout en sifflotant, puis, tout à coup, entonner cette vieille rengaine de matelot que, par la suite,

Nous devions si souvent entendre :

Nous étions quinze sur le coffre à l’homme mort ! –

Yo-ho-ho ! et une bouteille de rhum !

d’une voix aiguë et chevrotante qui semblait avoir été rythmée et brisée par les manœuvres. » (R. L. Stevenson).

         “ Of all the pirates on the seas

            The worst of them was Blackbeard

            So damnable (…)

            He’d hang them from the gallows

            Just to see if they could dance !”

                                                 (Jolly Roger) 

           Voilà des lyrics qui rappellent ce cher Robert Plant sur le troisième Led Zepp…

           Nowhere Land…. Treasure Island…Ant était un enfant. Il voulait de la magie. Il avait des espoirs fous. Il demandait la Lune, lui. Il ne demandait rien à la lune, lui !

          



           Maintenant ce qu’on attend avec impatience, c’est de revoir les clips en DVD (de Stephanie Gluck et Clive Richardson). Ant était un cinéphile averti. Ces clips, ils étaient si géniaux, avec de vraies mises en scène originales, une vraie créativité, qui n’existe plus dans l’art du scopitone, tombé depuis bien bas.


2 commentaires:

  1. bon commentaire, en espérant Voir Adam en live en France...

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  2. Merci. J'aimais beaucoup son groupe au début des années 80.

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