Ravi
Shankar. Raga Mala. Ma vie en musique (éditions intervalles) **
Ravi Shankar nous parle
de son enfance à Bénarès, de son initiation au sitar. Mais le livre démarre
vraiment quand le musicien évoque sa rencontre avec George Harrison, the quiet
Beatle. Ravi Shankar était le guru de
George, son maître spirituel et son ami. En d’autres temps, on aurait dit son
mentor. Le mot « guru » signifie « chasseur d’obscurité ».
C’est la réédition d’un
ouvrage paru en Angleterre en 1997, revu, mis à jour et traduit pour la
première fois en français en 2010. Dans son avant-propos de 1997, George dit
tout le bien qu’il pense de Shankar, tout ce qu’il lui doit, et le décrit comme
un homme moderne : « Si je n’avais pas connu Ravi, je serais devenu un
vieux grincheux ennuyeux. Dès le début de notre relation, j’ai apprécié le fait
que Ravi, bien qu’étant un grand musicien classique, était très drôle. Il se
tenait au courant de ce qui se passait dans le monde, il savait quels livres,
films ou pièces de théâtre étaient à l’affiche. » Il insiste aussi sur
leur complicité : « Je l’ai toujours considéré comme un guru, une
figure paternelle, mais aussi et principalement comme un ami parce que, la
plupart du temps, nous faisons les fous ensemble. »
Ravi est né à Bénarès
dans une Inde en dehors du temps. A part les autos, tout y était vieux, les
temples, les gradins descendant vers le fleuve sacré. Il est devenu musicien et
s’est fixé de nobles objectifs : « Mon but a toujours été d’emmener
le public très loin avec ma musique, à l’intérieur de lui-même, comme on le
fait en méditation ». Il trace de George un portrait élogieux :
« Je sentais que George avait une belle âme et je lui reconnus une qualité
à laquelle j’attache énormément d’importance, l’humilité, et qui, dans notre
culture, est considérée comme la qualité principale. » Harrison avait
côtoyé bien des célébrités, des Premiers ministres, des membres de la famille
royale, mais, avant Ravi, il n’avait jamais rencontré quelqu’un qui
l’impressionnait réellement.
George se rendit en
Inde. Il vouait un intérêt analogue à la musique indienne et aux yogis de
l’Himalaya. Les yogis sont des personnes qui ont acquis, paraît-il, des
pouvoirs spirituels extraordinaires par le yoga. George n’avait que vingt-deux
ans, mais il est resté fidèle à ces disciplines jusqu’à la fin. Au départ, il a
eu peur d’être rebuté par l’Inde, dérouté par les odeurs, la saleté, la
pauvreté. Mais il avait la chance d’avoir Ravi comme ami, ce qui changeait la
donne.
Ravi devint une rock
star dès 1967. Il ne comprenait pas la jeunesse occidentale, qui mélangeait
tout, la fascination pour l’Inde mais aussi pour la drogue, « l’incitation
à se droguer de la part de Timothy Leary, Allen Ginsberg et Alan Watts (les
trois grands gurus de la
drogue)… » En juin 1967, Ravi joue
au festival pop de Monterey, mais très peu de groupes trouvent grâce à ses
yeux : il n’aime pas les voix de faussets. Bizarrement, ce qu’il apprécie,
c’est Simon and Garfunkel (« Garfunkel avait une voix angélique »),
the Mamas and the Papas, Donovan et Joan Baez (« En plus d’un physique
saisissant et d’une belle personnalité, elle avait une voix veloutée
charmante »). Shankar semble mal connaître le répertoire des
Beatles : il ne cite que trois chansons (« Norwegian Wood » avec
ce sitar utilisé d’une façon peu orthodoxe), dont deux signées Harrison
(« Here Comes the Sun »), et encore l’une d’elles n’est pas une
composition des Beatles mais un hit de George sur son triple album, « My
Sweet Lord ». Ce qui scandalise Ravi Shankar, ce sont les prestations d’Hendrix
et des Who qui bousillent leurs instruments de musique à la fin du show.
« Hendrix versa de l’essence sur sa guitare et y mit le feu. C’était un
acte sacrilège et j’étais si en colère que je faillis me lever et m’en
aller. » Mais, depuis, de l’eau a coulé sous les ponts de Bénarès et
d’ailleurs. All things must pass…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire